L'Evangile, une bonne nouvelle ?

Qu'est-ce qu'une bonne nouvelle ? C'est d'abord une nouvelle.

Une nouvelle est une information, qui porte la plupart du temps sur ce qui s'est déjà produit, et qui est donc valable (ou non) de façon indépendante du fait de répandre ou non la nouvelle. De plus, il s'agit normalement d'un évènement très récent. Et le plus souvent, elle provient d'une source assez fiable pour que sa véracité aille de soi.

Si on parle de bonne nouvelle à propos de la prédication de l'Evangile, de quoi parle-t-on ? Ce qui s'y trouve qui se serait déjà produit, d'après cette nouvelle, avant qu'on vous l'annonce est l'histoire de la crucifixion de Jésus. Or, ce n'est pas une nouvelle, puisque ce n'est pas un évènement très récent. De plus, pour la personne qui y serait impliquée, à savoir Jésus, ce ne fut pas un évènement heureux. Donc si c'était une nouvelle d'évènement déjà produit avant de l'annoncer elle ne serait même pas bonne.

Alors, qu'y a-t-il de nouveau dans la prédication de l'Evangile ? Le fait qu'elle parvienne à une personne donnée, afin qu'elle soit également rachetée par le sacrifice du Christ. Mais tout le monde en a déjà plus ou moins entendu parler. C'est alors le fait qu'elle parvienne d'une manière spéciale, par un "témoignage", explication détaillée ou autre moyen privilégié. Mais si cela ne changeait rien, ce ne serait pas une bonne nouvelle. On suppose donc que cette démarche spéciale d'annonce change quelque chose, mais quoi ? Simplement que c'est une opportunité d'y croire, et aussi que le fait d'y croire change tout, à savoir, que la foi apporte le salut. C'est le salut qui serait nouveau comme conséquence de la prédication. Oui mais encore faudrait-il que la nouvelle (l'autre nouvelle, celle du sacrifice expiatoire de Jésus) soit crédible et fiable. Sinon, elle ne sera pas crue, donc il ne se passe rien, donc rien ne change. Or, une personne raisonnable ne peut être un jour amenée à mieux croire quelque chose dont elle a déjà entendu parler, que si de nouvelles preuves lui parviennent. Oui mais une nouvelle n'est pas une preuve. Elle n'est qu'une rumeur ou information, et sa fiabilité ne peut s'estimer que d'après celle de ses sources et de ses intermédiaires.
Si c'était une preuve, elle ne serait pas nouvelle, et ce serait autre chose qu'une nouvelle, à savoir, toute une preuve, avec des dossiers béton pour la soutenir.

Les non-chrétiens ayant les idées claires sur leurs convictions, considèrent généralement que les sources ou les intermédiaires de la "nouvelle" du sacrifice de Jésus ne sont pas fiables. Donc il n'y a aucune raison d'y croire plus après l'avoir entendue qu'avant. Donc le fait de l'entendre ne devrait rien changer au fait d'y croire ou pas, comme il en est de toute rumeur infondée.

La seule chose éventuelle qui pourrait faire infléchir sa position, qui ne soit donc pas une preuve, c'est la tentation d'un mouvement de respect envers la personne qui est en face de soi, qui "apporte son témoignage". Ce qui montre en passant que ce respect du prochain repose sur le mépris du lointain, de quiconque est loin de soi. Le fait de rencontrer personnellement quelqu'un qui prétend "témoigner" de "sa vie avec Christ" induit une sorte de pression psychologique qui nous influence, comme une sorte de chantage insidieux. Or, l'apôtre Paul lui-même dénonce ce genre de faiblesse, celle d'"enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction" (Ephésiens 4.14) en parlant de tous ceux qui oseraient se laisser influencer de cette manière en faveur de.... toute doctrine différente de l'adhésion scrupuleuse à cette Bonne Nouvelle qu'il nous a déjà été annoncé dans la Bible bien évidemment, passant sous silence le fait que parmi la multitude de religions possibles par lesquelles on peut se laisser emporter, le choix précis du message évangélique est purement arbitraire. Il s'agit donc explicitement d'une méthodologie à deux vitesses, un appel à l'iniquité des démarches critiques, qui se trouve lancé comme pachuté de nulle part si ce n'est de l'hypothèse a priori que telle source d'information est de Dieu à l'exclusion de toutes les autres.

Mais en fait, pour rester toujours dans les limites de la sagesse et honorer la vérité, il est nécessaire de recevoir toute doctrine de manière critique, et surtout pas comme une "nouvelle". Ceux qui vont enseigner les vérités qu'ils ont acquises doivent se préparer à une telle attitude critique de la part de leur auditoire, et à cette fin, mettre au point à l'avance tout leur argumentaire, leurs "preuves". Une nouvelle preuve peut être une nouvelle, mais depuis 2000 ans, s'il y a eu preuve (non seulement pour soi-même mais de manière transmissible d'un individu à l'autre), elle devrait être depuis longtemps publique, claire et vérifiable par tous.

Mais comme il n'y a pas de preuve, il n'y a de par le devoir de sagesse mentionné, aucune raison particulière de se convertir plus lorsqu'on entend le message qu'en temps ordinaire. Les prédicateurs voudraient que leur discours échappe au temps d'examen critique et de mûrissement que la sagesse impose à toute annonce de vérité avant de l'accepter, au nom du fait que "c'est aujourd'hui le jour du salut". Ainsi ils nous exhortent avec force convictions en condamnant sévèrement toute lenteur traitée de lacheté et manque de bonne volonté, à prendre la résolution de nous mettre dès ce soir à genoux dans notre chambre pour prier Dieu et exiger de Lui avec force supplications qu'Il nous confirme que la Bible est bien Sa parole, et à recevoir Jésus dans notre coeur, sinon "ce sera peut-être trop tard" pour recevoir le salut éternel.

Revenons aux choses sérieuses: ainsi donc, comme il serait une faute contre la vérité de se laisser ainsi influencer par la "bonne nouvelle du salut" lorsqu'on l'entend sans preuve, de deux choses l'une: ou bien on n'y croyait pas, et on ne devrait toujours pas y croire; ou bien on y croyait déjà. Le fait de l'entendre ne le faisant pas croire davantage, il ne change rien à la foi, donc il ne change rien à rien, et il ne se passe rien de nouveau. Si c'est la bonne nouvelle du salut et qu'elle est vraie, et que donc on est sauvé après l'avoir entendue, c'est donc qu'on était déjà sauvé avant de l'entendre, et qu'on le serait de toute manière même si on ne l'entendait jamais.

Je ne vois donc guère comment cela dépendrait de la foi, puisqu'une foi honnête et véridique ne peut venir que des preuves et non d'un choix ou d'un appel, auquel cas cela favoriserait ceux qui ont eu l'occasion de connaître ces preuves au détriment des autres. De plus, même une preuve n'est qu'une information qu'on a dans la tête, et n'a donc de même qu'une éventuelle foi qui n'est qu'une opinion, aucune propriété spirituelle intrinsèque qui devrait pouvoir affecter notre salut.

De plus, il ne faut pas oublier les nouvelles des autres, ceux qui sont déjà morts ou ceux qui sont vivants mais ailleurs ou n'adhérant pas à l'Evangile: à moins d'être un cynique fini, on ne devrait pas considérer comme une bonne nouvelle l'affirmation qu'une majorité d'humains est déstiné à la perdition, même si on fait soi-même parti des sauvés !

Mais au fait, comment sait-on qu'on est soi-même sauvé après tout ? On a si souvent le réflexe d'invoquer l'omniprésence des "faux chrétiens" comme explication systématique à chaque fois que quelqu'un trouve criticable le comportement chrétien. A savoir, de gens qui se croirent ou se disent chrétiens mais qui ne le sont pas, ce dont on peut juger par leurs oeuvres, leur péché, leurs erreurs doctrinales ou toute autre raison, ou dont seul Dieu sera juge: si un chrétien commet des erreurs de jugement ou mauvaises conduites, ce ne peut être qu'un faux chrétien par définition, en sorte que les vrais chrétiens sont certains d'avance de n'être jamais concernés par les critiques. J'ai même entendu quelqu'un dire que c'est celui qui ne met pas en doute son salut qui ne l'a pas. Mais si on essaie de regarder précisément quelle est la différence entre un vrai et un faux chrétien et dans quelles circonstances les chrétiens se permettent de justifier leur foi en répondant à des propos portant sur d'autres chrétiens, que ceux-là ne sont pas de vrais chrétiens, alors on entre dans un jeu de X-files où il est manifeste qu'aucun chrétien, même avec la meilleure volonté du monde à suivre la Bible et la plus grande piété, ne pourra jamais savoir s'il ne serait pas lui-même en fait un faux chrétien qui s'ignore.

C'est bien sûr: plus on essaie d'être un vrai chrétien avec la meilleure authenticité du monde, plus on se force à en faire l'exploit, plus on se base sur notre propre effort et bonne volonté à l'être et l'idée qu'on mérite par conséquent d'être reconnu comme tel par Dieu, plus on passe à côté de la grâce et la révélation divine en mettant en avant nos efforts et nos mérites. Et par conséquent, plus on est en réalité un faux chrétien qui s'ignore. Il n'y a donc aucune échappatoire au jeu absurde de cette injonction paradoxale de l'Evangile qui condamne quiconque tenterait de la suivre: plus on essaie d'être un vrai chrétien, moins on le devient.

Ainsi qu'on m'a expliqué: "la seule chose que Jésus nous reproche c'est un coeur incrédule". Effectivement, même si on peut tenter avec sa tête de faire semblant de croire avec certitude les mensonges de la Bible en sachant pertinemment que nos motifs à le faire sont bien trop douteux en soi (car manifestement aussi trop douteux pour pouvoir en convaincre décemment d'autres personnes intelligentes et sincères d'en faire autant), il est bien plus difficile de mentir ainsi à son propre coeur. Ainsi, à moins de devenir un abruti fini de la foi, le coeur restera probablement toujours incrédule. Est-ce tout ? Non. La même personne continue:
"mais il y a des critères à respecter": "Il veut un coeur pur". Je ne vois pas le rapport avec la foi. Et puis s'il y a ainsi plusieurs règles, on ne peut plus savoir à quel jeu on joue, on est piégé... remarque, je sais aussi que la vie est compliquée et qu'on est confrontés à plusieurs problèmes en même temps, mais est compliquée pour des raisons qui se trouvent dans la réalité, alors que les chrétiens prétendent tout simplifier en éliminant le réel, puis mettre une série de règles arbitraires et absurdes à la place, et suffisamment indéfinissables pour que si on échoue on puisse toujours expliquer ça par le manquement à l'une quelconque d'entre elles. Par exemple si on échoue on se sentira trahi par Dieu et on se sentira trouble au coeur, et il sera trop facile de dire qu'on n'avait pas un coeur pur.

On ne peut non plus jamais savoir si Dieu est réellement intervenu dans notre vie pour nous régénérer et témoigner de l'assurance de notre salut car cela ne fait aucune différence, quelle que soit la splendeur du témoignage qu'on aurait à cet égard, car cela peut toujours se réinterpréter comme une tomperie du diable. Tout n'est qu'une question d'interprétation en fait, et chacun est libre d'interpréter n'importe quoi à sa guise, pour manifester la gloire de Dieu comme sauve ou vendre son âme au diable, suivant les points de vue. Ainsi, les chrétiens se plaisent parfois à invoquer la différence fondamentale entre "embrasser la foi chrétienne" et "embrasser Jésus-Christ". Voire même, l'un d'eux déplore: "Je ne pourrais dire le nombre de personnes dans ma situation qui resteront dans cette erreur d'embrasser leur culture familliale et leur foi chrétienne (que d'autre peuvent-ils faire?) au lieu d'embrasser Jésus-Christ": ah bon, donc tant de chrétiens qui croient en vain être chrétiens, qui lisent la Bible, qui prient et qui vont à l'église pour rien, puisqu'ils n'ont pas réellement accepté Jésus-Christ alors même qu'ils croient l'avoir fait.
Je vois clairement la difference consistant en ce que avant Jesus n'etait pas venu, et ensuite il est venu. Or c'est la une difference dans ce que fait Jesus, mais si l'homme se met lui-meme en sujet de ces phrases de sorte que ca serait une difference qui viendrait de lui, quelle est donc cette différence ? Cela permet d'excuser le christianisme face aux crimes d'autres chrétiens que, au seul vu de leurs mauvaises oeuvres, ils se permettent de juger comme n'ayant pas embrassé vraiment Jésus-Christ mais seulement une foi bien humaine, voire non sincère. C'est bien gentil, mais ce serait encore mieux si la différence entre les deux était expliquée en détails et en profondeurs plutôt qu'en superficie d'après les oeuvres. Car si un chrétien juge son authenticité d'après sa sincérité et les profondeurs de son âme et la non-authenticité des chrétiens aux mauvaises oeuvres au vu de leurs mauvaises oeuvres, l'existence d'une réelle différence entre les deux reste à démontrer.

Ainsi, le christianisme lui-même demeurera éternellement immunisé en toutes circonstances face aux critiques des défauts des chrétiens, ainsi que face aux critiques d'ex-chrétiens témoignant que Dieu ne les aurait pas soutenus ni ne se serait révélé à eux malgré leur profonde ferveur chrétienne: ils n'ont jamais été de vrais chrétiens, pardi ! (C'est en substance l'argument qu'un certain chrétien m'a lancé un jour pour me discréditer quand j'ai témoigné d'avoir été fervent chrétien auparavant sans avoir bénéficié du soutien moral de Dieu : j'avais tellement de ferveur pour Dieu que je m'appuyais sur mes efforts et non sur Dieu et donc j'avais rien compris et je suis passé à côté des voies de Dieu, estima-t-il avec la plus grande assurance qui ne peut concevoir que Dieu puisse jamais manquer d'honorer ses promesses.)
Comme de nombreux évangélistes aiment si souvent à répéter à leur auditoire: aller à l'Eglise ne fait pas de nous un chrétien plus qu'aller au MacDo ne fait de nous un hamburger.

Il est donc vain de vouloir recevoir l'Evangile et de s'y convertir lorsqu'on en prend connaissance dans l'espoir d'être sauvé: le spectre de se trouver finalement condamné par Dieu pour être un faux chrétien nous hantera toujours et ne cessera de pourrir cette "bonne nouvelle" de l'intérieur.
A cela il faut ajouter toutes les pesantes obligations associées à la foi chrétienne, qualifiée par Jésus de voie très étroite malgré qu'il ait aussi prétendu que son joug soit doux et son fardeau léger: par exemple lire la Bible, prier régulièrement (des fois on aime ça mais bon), proclamer l'Evangile, éventuellement gaspiller une partie de ses ressources en dons et oeuvres missionnaires, refuser absolument un conjoint non-chrétien (chez les évangéliques, eh oui c'est ainsi, risquant de se condamner à la souffrance du célibat involontaire, roulette russe qui remplace le choix volontaire des prêtres), et en général perdre son temps et les ressources de ses bonnes volontés à proclamer l'Evangile au lieu de réfléchir sérieusement à ce qu'on pourrait faire de bon pour améliorer le monde.
Ainsi, la seule manière dont on puisse honnêtement parler d'une bonne nouvelle du salut sans trop pervertir le sens des mots, nécessiterait au moins que le salut en question serait déjà acquis avant qu'on en ait entendu parler, et ne dépendrait pas du fait d'en entendre parler ou non ni du crédit qu'on lui accorde.

Ici comme sur tant d'autres choses, on constate que la doctrine chrétienne repose en grande partie sur la perversion et le détournement systématique du sens des mots, pour arriver à faire passer des vessies pour des lanternes et faire témoigner de choses qui n'existent pas, comme par exemple : "rencontre avec Dieu", "liberté", "foi en Dieu", "sainteté de Dieu", "volonté de Dieu", "cohérence et harmonie", "promesses", "inspiration contre théorie", "preuves" et toute la soi-disante morale chrétienne (dite "catholique" ou "orthodoxe") qui n'a pas grand-chose de réellement moral à son actif.

Voir aussi:
Visite d'une église pentecôtiste

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Critique des fondements de la foi chrétienne évangélique
Opinions