Les marxistes (dont je ne suis pas) parlent beaucoup des crises périodiques qui secouent le capitalisme, de la baisse tendancielle du taux de profit, de l'effondrement prochain du système, de la chute des classes dominantes et de l'avènement d'une nouvelle société enfin égalitaire et fraternelle. Voici quelques points de mon opinion sur ces questions ...
Sous la "baisse tendancielle du taux de profit", 2 choses sont à considérer : d'une part l'évolution des taux d'intérêt; d'autre part l'évolution des inégalités de richesses et revenus des capitaux. L'évolution des taux d'intérêt est liée d'une part à celle de la masse des capitaux présents, en rapport avec la masse des capitaux dont l'économie a besoin: si les capitaux s'accumulent sous forme de biens productifs, le taux d'intérêt par rapport à la croissance peut finir par tendre vers zéro. Mais le progrès économique apporte une autre cause d'évolution, à savoir la baisse du cout des biens de production (machines). Par contre la surpopulation renchérit la valeur de "biens" seulement reflets de la finitude de l'espace et des ressources, ni mieux produits ni plus productifs qu'avant.
Le système capitaliste qui a été en vigueur jusqu'à
maintenant a plusieurs défauts:
1) Il est injuste (car il fait l'impasse sur la question du pouvoir),
laissant s'établir des classes dominantes sur la politique et l'économie,
outrancièrement riches sans l'avoir mérité, dont les
intérêts diffèrent de l'intérêt général,
et qui instaurent ainsi leurs propres règles du jeu et les imposent
à toute la population; il laisse pénétrer les mafias
et la corruption.
2) Ne prend pas suffisamment soin des problèmes environnementaux
3) Son système financier est corrompu et manque encore de stabilité,
même si niveau stabilité il y a eu de grands progrès depuis les années 1930...
Le système actuel perdurera-t-il encore longtemps
ou non ? Qu'est-ce qui peut le remplacer, et par quel processus: transition progressive ou soudaine... ?
Certains imaginent le changement comme passant par une élection, une crise économique ou une insurrection sociale...
Je présente notamment deux concepts de solutions:
une théorie libérale
du pouvoir et une théorie monétaire.
Mais actuellement, deux risques de crise financière se préparent.
Le premier est accidentel et réparable: c'est l'endettement
des Etats (auquel s'ajoute la dette implicite que constitue le
système de retraite par répartition qui va souffrir du papy
boom).
Soit on résorbe enfin les déficits
en freinant drastiquement les dépenses publiques et les gaspillages,
et la crise peut être évitée.
Soit on continue dans l'inconscience et on court à la catastrophe comme en Grèce:
une crise financière majeure et/ou une crise d'autorité des
institutions publiques.
Ce danger n'est pourtant pas un problème fondamental: une fois
la crise passée et de nombreuses personnes ruinées, le même
système peut se relever et reprendre son fonctionnement sur des
bases quantitatives plus saines, en se promettant (une fois de plus) de
ne plus jamais sombrer dans un tel endettement.
Le deuxième est plus profond: c'est l'effet de la virtualisation
prochaine de la monnaie et de l'économie. Si la liberté de
communication est respectée, la nature virtuelle incontrôlable
de la monnaie va bientôt rendre vaines les recettes
actuelles de stabilisation monétaire en frappant d'obsolescence
le concept de masse monétaire sur lequel elles reposent.
Dans la revue Alternatives Economiques hors-série n°45,
p.60, on peut lire par exemple: "La monnaie a besoin d'être homogène,
d'obéir à une logique de monopole pour fonctionner correctement";
"le problème, avec la monnaie électronique, c'est que ces
outils [de gestion de la monnaie par l'Etat] ne s'appliquent plus: la monnaie
devient capable d'échapper à l'action des banque centrales";
"Pour l'instant, il est très difficile d'imaginer comment les banques
centrales pourraient conserver le contrôle de la création
monétaire sur Internet. En réfléchissant, on s'aperçoit
qu'il n'y a probablement guère qu'une solution: un système
de paiement unique à l'échelle mondiale". Ce avec quoi je
ne suis pas d'accord, puisque je pense que des monnaies libres peuvent
être stables, mais à condition de les fonder sur une logique
nouvelle et rigoureuse.
L'imperfection fondamentale du système monétaire sera alors intenable: ou bien il engendrera à nouveau des crises monétaires face auxquelles on n'aura plus de remèdes (faute d'étalon-or, ces crises n'auront plus de raisons d'être cycliques, elles deviendront conjoncturelles et chaotiques), ou bien on mettra en place de nouveaux mécanismes de stabilité monétaire plus fiables ; en tout cas, le système deviendra soit plus stable soit moins stable. Il me semble peu probable que les gouvernements actuels adopteront un système vraiment cohérent, du fait de leur inertie.
Bien sûr, au risque général d'instabilité peuvent toujours s'ajouter des évènements imprévus poussant effectivement telle ou telle monnaie en l'un ou l'autre sens, style attentats du WTC, tempêtes et catastrophes écologiques, etc...
Jusqu'à maintenant, l'économie était en grande
partie officielle et les impôts pouvaient s'y exercer, parce que
les marchés habitaient le domaine public : pour vendre il fallait
un magasin, et les marchandises vendues étaient celles exposées
dans le magasin.
Pour travailler, il fallait un local en forme de lieu de travail, et
les travailleurs étaient les gens qui pénétraient
ce lieu.
Dorénavant, il suffira d'interagir chez soi avec un appareil
électronique relié aux autoroutes de l'information, aussi
bien pour travailler que pour faire son shopping.
Car le shopping c'est deux choses: d'abord on fait son choix et ensuite
on ramène chez soi.
Pour faire son choix, ça pourra être plus rapide de chez
soi si les appareils électroniques sont assez puissants et polyvalents
pour donner des objets à vendre une image réaliste complète.
Pour ramener les choses chez soi, le transport effectué actuellement
par le client comporte un gaspillage d'énergie assez important,
puisqu'on fait l'aller à vide et qu'on ne revient qu'avec quelques
objets. C'est un gaspillage de temps pour le client et d'énergie
pour les véhicules. Il serait beaucoup plus rentable qu'une camionnette
fasse la tournée des distributions entre plusieurs clients suivant
un trajet optimisé par ordinateur.
Mais, que le transport soit fait par le client ou le vendeur, rien
ne les force à le déclarer comme professionnel s'ils se sont
mis d'accord là-dessus: un véhicule privé peut faire
l'affaire.
Ou encore il peut y avoir des sortes de boutiques ou mini-entrepôts
du coin de la rue qui recevraient en bloc des livraisons des commandes
effectuées par les habitants de la rue. Ils signaleraient électroniquement
aux clients qu'ils peuvent venir chercher leur marchandise (utile en cas
d'absence ou d'indisposition momentanée du client)
En tout cas, le travail et les marchés risqueront d'échapper en grande partie à la surveillance des gouvernements car ils se seront réfugiés dans le secret de la vie privée de ses acteurs reliés entre eux par des flux d'informations. Ces flux d'informations, si elles sont privées, peuvent former des économies parallèles (ouvertes ou d'accès réservé à des groupes restreints) avec leurs monnaies virtuelles cachées dans le cyberespace.
Ces phénomènes de virtualisation du travail, des marchés et de la monnaie, forceront le système actuel à évoluer vers un nouveau système... ou vers le chaos.
Je ne crois pas qu'une société sans monnaie soit possible à moyen terme (le très long terme se chargera de lui-méme). L'avenir politique du monde est donc placé devant l'alternative suivante:
Ou bien les autoroutes de l'information seront fliquées et le cryptage des communications interdit pour empêcher le développement des cyberéconomies souterraines. Ce sera le règne de Big Brother et la dictature mondiale semblable à l'empire Soviétique.
Ou bien les communications privées se développeront librement, et alors le libéralisme triomphera par la méthode du fait accompli (cyberéconomies souterraines) vis-à-vis des Etats.
Il peut se développer des logiciels spécialisés
dans l'arrangement automatique des déclarations de comptes faux,
ajustant des oublis de travaux et de ventes, pour paraître justes
devant le fisc et permettre donc l'évasion fiscale.
Les paradis fiscaux des îles off-shore "géographiques" perdront de leur attrait,
concurrencés par ceux du cyberespace doués d'une omniprésence
et de possibilités infinies. Tant qu'une grande partie des impôts visera des paramètres
conventionnels donc facilement faussables comme le travail et les ventes,
la facilité d'échapper à l'impôt en s'évadant
dans le cyberespace pourra rendre bien difficile de rembourser les dettes des Etats
et payer les retraites par répartition. La solution devrait être évidente: transition vers la taxe carbone et autres
taxes environnementales, impôts fonciers.
Les détails dépendront de plusieurs facteurs, notamment de la masse des décisions individuelles (orientées soit vers l'individualisme soit vers la solidarité) et de la forme des logiciels qui seront développés. Suivant les cas les changements peuvent être de très positifs (cohérents et respectueux de l'intérêt général) à très négatifs: cela pourrait être le chaos, les crises et les conflits permanents, le règne des mafias, corporations, corruption, monopoles ou autres cartels, une guerre civile larvée, etc.
Il y a deux forces passives:
Bien sûr, l'écologie, la justice, l'éducation, le développement, la santé, la lutte contre la faim et pour la paix dans le monde sont des enjeux très importants, mais ils sont secondaires dans ce sens que leur traitement dépend des enjeux décrits plus hauts (ou ils peuvent être également les instruments ou objets de conquête), et non l'inverse (en première approximation du moins).