Mon récit que j'avais posté sur le site "Sacrés fonctionnaires"

Pour un passionné de sciences qui ne pouvait naturellement se voir d'autre vocation dans la vie que de faire de la recherche fondamentale ou de l'enseignement-recherche afin, croit-on, de pouvoir donner véritablement libre cours à son idéal, la société actuelle n'offre hélas guère d'autre choix formellement en accord avec son âme de chercheur, qu'une vie entièrement gouvernée par l'administration. Bien que ne nous assaillant apparemment pas de formulaires administratifs à remplir au sens strict, son empire n'en est peut-être que plus total et pernicieux, puisqu'il vient s'imposer comme étant constitutif du parcours scientifique lui-même. Le système a d'abord prétendu m'enseigner les mathématiques en classe dans le secondaire au rythme "normal" de tout élève, alors que le plus souvent j'en connaissais déjà bien le contenu d'avance. Ce gigantesque gaspillage de temps forcé dont de plus le contribuable doit financer l'entreprise, réduisait d'autant mon temps libre que je consacrais principalement à mes recherches en autodidacte. A 16 ans mon expérience de chercheur et physicien clandestin était déjà bien avancée avec ma redécouverte des formules de la relativité générale, expérience de recherche que bien sûr le système a toujours royalement ignorée. En effet dans le système, une connaissance ou une expérience de recherche n'a le droit d'exister officiellement qu'à la condition expresse d'avoir été administrée, conformément au parcours et au rythme que l'administration aura décidés. Quelle que soit l'expérience de recherche clandestine préalable, le droit d'être officiellement déclaré chercheur ne s'obtient de toute manière qu'à la suite d'une course d'obstacle programmée par l'administration, parsemée de risques d'échec fabriqués par celle-ci, durant le nombre d'années nécessaire d'après elle pour se faire administrer les connaissances de base du parfait chercheur censé n'avoir jamais naturellement existé mais avoir été entièrement artificiellement fabriqué et programmé par elle (à partir d'un niveau supposé conforme à celui de l'élève standard dans le secondaire, à se demander par quel miracle les parcours pourront ensuite diverger), conformément à sa conception bureaucratiquement standardisée de l'originalité d'esprit. Or, quoi de plus absurde d'admettre qu'une chose aussi bête et conformiste que l'administration s'érige en autorité absolue et inconstestable en matière de formation et d'évaluation de l'esprit scientifique, qui est pourtant une des choses qui pour pouvoir être authentique, devrait être respectée comme étant fondamentalement la plus libre qui se puisse concevoir et planant infiniment au-dessus de tout carcan de cet ordre ?

Concrètement, cela consiste d'abord en classe préparatoire scientifique à devenir un athlète de la main sachant recopier sur son cahier tout ce que le professeur écrit au tableau à une allure phénoménale, ceci ne laissant même pas le temps de le comprendre de peur que le chiffon ne nous rattrape avant qu'on ait pu noter ce qu'il y avait d'intéressant. Ensuite on n'aura le temps de relire ces montagnes de papier guère plus d'une ou deux fois, pressés par les "devoirs libres" à rendre chaque semaine. Apprentissage très utile pour pouvoir réussir aux concours dont les épreuves consistent à faire de très nombreux calculs et démonstrations relativement courts à très grande vitesse. Fous seraient les professeurs ou les élèves qui s'aventureraient à songer à des idées plus méditatives ou moindrement originales dans un tel système, de peur de perdre du temps sur le programme et de risquer l'échec aux concours.

Vie scientifique administrée, vies scientifique et humaine gâchées. L'administration a fortement endommagé ma vie scientifique qu'elle prétendait me dicter pour mon bien (sur le mode du fameux "donne-moi ta montre et je te donnerai l'heure") par sa manière d'inculquer suivant ses désirs aux élèves une intelligence robotisée dont elle prétend détenir le monopole, et en me forçant ainsi implicitement par derrière à sacrifier comme quantité négligeable mon seul besoin vital pour lequel j'aurais vraiment eu besoin d'un peu d'aide de la part de la société au-delà de l'école primaire, à cause notamment de mon originalité: la recherche de l'âme soeur, dont il est bien sûr évident qu'une chose aussi stupide qu'une administration ne saura jamais y contribuer, et que par conséquent elle s'acharnera toujours à nier et à détruire comme tout ce qu'elle ne sait pas contrôler afin que son empire soit total. Jusqu'à son refus de dépenser les quelques centimes du coût d'usage des sites de rencontre dans les réseaux informatiques universitaires, quitte à payer beaucoup plus cher les congés pour déprime qui en résultent ainsi que des psychiatres eux aussi également incapables d'administrer les chances de rencontres dont il y a besoin.

Par ailleurs, mon esprit de recherche s'était naturellement orienté vers la conception d'un cours de mathématique novateur destiné à l'enseignement des premières années d'études scientifiques, dont j'ai constaté le besoin criant au vu des grands défauts du système (que j'avais observé et vécu avec le recul de mon expérience scientifique clandestine préalable). Dans cette direction j'ai trouvé nombre d'idées intéressantes. Or, ce domaine de recherche qui serait pourtant des plus cruciaux pour élever le niveau scientifique d'ensemble de la société et non simplement nourrir la curiosité d'une poignée de spécialistes, a le malheur de ne pas entrer dans les catégories de recherche administrativement reconnues comme telles, sans doute à cause du caractère administrativement inconcevable d'une profonde remise en question des programmes d'enseignement établis à ce niveau. Donc, à quoi bon ai-je suivi tout ce parcours destructeur alors qu'il n'y avait en définitive aucune chance d'être payé au bout de cela par le système à faire ces véritables recherches auxquelles mes aspirations profondes m'amèneraient forcément à me consacrer quoi qu'on en dise ?

L'année où j'étais en fonction à l'université, voici une anecdote. Une opportunité annuelle de financement de projet nommée "bonus qualité recherche" se présentait à l'université, à laquelle chaque chercheur ayant un possible projet à financer pouvait postuler (financement accordé à 0 ou 1 projet par labo et par an). Je postulai alors avec le projet de logiciel que j'avais en vue (http://spoirier.lautre.net/trustedforum.html), et dont un objectif serait rien de moins que de résoudre le problème du spam. Résultat ? Personne ne vint me poser la moindre question ni m'adresser la moindre remarque sur les objectifs, la conception ou les moyens de réalisation de mon projet. Je reçus simplement en son temps la notification de refus sans appel en ces termes: "Dossier incomplet".

Mais ce que je trouve le plus choquant dans cette affaire, c'est l'esprit de servilité de la plupart des gens (parents, professeurs et chercheurs pourtant supposément doués d'esprit critique) envers tout ce système: leur manière de concevoir le bien des élèves comme uniquement défini par leur perspective de carrière professionnelle calculée dans les seuls termes de la logique administrative, au sacrifice de la réalité de leur vie sur les plans humain et authentiquement scientifique. En effet, les scientiques en place s'en sont bien débrouillés et ne doivent pas critiquer l'institution qui les nourrit; car s'ils ne s'en étaient pas débrouillés, ils ne seraient justement pas des scientifiques en place ayant droit de parole à ce sujet. Et ainsi d'imposer autoritairement à ces malheureux élèves aspirants chercheurs cette conception comme une recommandation expresse, et les orienter et conseiller ainsi "pour leur bien" conformément à cette seule logique. Quitte, pour arriver à les persuader de s'y soumettre, de leur faire ce mensonge suivant lequel pour avoir une chance de changer le système il serait d'abord indispensable d'être dedans et pour cela de s'y soumettre premièrement en quête de notoriété; alors même que depuis si longtemps il est clair que les très rares chercheurs et professeurs déplorant la situation, isolés, n'ont rien pu y faire.

Je développe ces questions dans quelques pages de mon site, principalement: http://spoirier.lautre.net/reve.htm http://spoirier.lautre.net/projet.html Voir aussi le témoignage d'un autre étudiant http://spoirier.lautre.net/Paris6.htm


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